Et un ciel dans un pétale de rose, poèmes de Maria Zaki et Jacques Herman
Jacques Tornay, Cahier de la SEV (Heft des WSV)
La revue littéraire de la Société des Ecrivains Valaisans, Septembre 2013
Maria Zaki et Jacques Herman se livrent avec bonheur à un dialogue dans lequel passe une foison d'images et de multiples accents - allant du grave au tonique. Chacun adresse son poème à l'autre, ils conversent, s'interpellent, se renvoient la balle comme par-dessus une haie de verdure sans toutefois se répondre comme dans une correspondance ordinaire. Il s'agit d'un jeu très souple faisant la part belle à des observations qui sont davantage que de simples constats. «Une plume de pigeon/Bien malgré elle vient de tomber/Sur la neige qui/Recouvre le balcon» ; «Un cœur oublié/Dans sa toile d'araignée/Se sent très mal» ; «À ma montre molle/Les minutes collent/Comme un tissu défait/Englué dans le temps».
Vaste est la gamme des sentiments évoqués. La crainte côtoie la confiance, la légèreté de l'existence tempère son aspect tragique, rire et douleur parfois s'étreignent en une même strophe… «Le petit ruisseau/Pleure en silence/Il s'apprêtait/À animer leur danse». Des interrogations de toute nature sont omniprésentes, aussi des certitudes sur la vie qui vaut d'être vécue et les attraits du monde pour qui sait les voir. Il y a des sous-entendus amusants, des flèches d'humour comme afin de ponctuer tel propos ou au contraire de s'en distancer : «Prendre les jambes à son cou/Tout en prenant son pied». On notera des différences de tonalité chez nos deux auteurs, chacun a ses propensions de langage, une articulation distincte mais les textes présentent une certaine unité de surface. Cela fait que sitôt la lecture commencée on est porté par le fil du rythme et l'on se laisse imperceptiblement guider à bon port. S'il n'y avait la présentation de Maria Zaki et de Jacques Herman en 4e de couverture on croirait que l'ensemble est d'un seul et même auteur, avec les variations d'usage. On comprend rapidement que l'on n'est pas dans un tête-à-tête intimiste dont le lecteur serait peu ou prou exclu ; au contraire, ce dernier est invité à entrer dans les réflexions que s'échangent les interlocuteurs, il serait même tenté d'y ajouter son grain de sel... pour autant qu'il ne troublerait pas l'harmonie du débat lyrique. Les poèmes n'étant pas signés sur la page on ignore qui écrit quoi, sauf à consulter la table des matières où ils sont rendus à qui de droit. Une réussite originale que ces vers entrelacés dans une complicité qui devrait faire des émules.