Etats de grâce


Jack Lang, Président de l’Institut du monde arabe


Que le Printemps des poètes s’exprime à la bibliothèque de l’IMA ne peut que nous réjouir. La puissance des mots, alliée à l’expression de la musique, laissent une trace rendue indélébile année après année depuis déjà vingt-cinq ans.


Un temps d’écoute et d’échange d’autant plus nécessaire que le monde est assourdi par le fracas des conflits, le péril des guerres et la désespérance des misères. Particulièrement en ces temps de troubles qui étreignent le monde arabe. Un temps où les mots des poètes peuvent guérir les maux du monde par l’invocation de la grâce.


La grâce de la nostalgie de temps suspendus, disparus, attendus. Pour conjurer la violence de passés oubliés ou appeler des futurs espérés. Pour vivre l’éblouissement d’absolus regrettés ou espérés. La grâce des mots pour conjurer les désastres. Comme firent les poètes de la résistance : la puissance des mots de Louis Aragon, Paul Éluard, Robert Desnos et René Char. Comme firent aussi les poètes arabes des luttes anti coloniales : la résonance de mots de Mahmoud Darwich, d'Abdellatif Laâbi ou de Kateb Yacine.


Telle est l’une des missions de l’IMA : lieu d’accueil et de paix, de la parole partagée, d’occasion de moments précieux de grâce au service de la puissance et de la résonance des mots.


Hommage soit rendu à Fatima Guémiah pour avoir su conserver les mots de l’un de ces états de grâce dans la collection "Le Scribe" de l’Harmattan. Et ainsi les faire vivre et revivre dans leur beauté.


Jack Lang

Paris, avril 2024